L’entreprise savoyarde Cartex qui deviendra Metrix quelques décennies plus tard, est née d’un besoin : créer des appareils de mesure destinés à tester les tubes électroniques de façon fiable et simple. Les premiers modèles voient le jour au milieu des années 1930 et ne quitteront les catalogues qu’au début des années 1980. Retour sur un demi-siècle d’évolution du lampemètre.
C’est à la toute fin des années 1920 qu’un certain Georges Friedrich entre chez Grillet, une entreprise d’Annecy dans laquelle il gravit rapidement les échelons grâce à sa passion pour les sciences. À 22 ans, il en devient même directeur adjoint. Malheureusement, l’entreprise périclite peu de temps après son arrivée, et Georges quitte Grillet pour rejoindre l’atelier parisien « Hermès », spécialisé dans la fabrication de postes radio. Rapidement, il se rend compte que beaucoup de postes défectueux sont mis de côté par les revendeurs qui ne possèdent pas les appareils nécessaires à la vérification des tubes électroniques, pourtant à l’origine des pannes les plus communes. Il décide donc de mettre au point un lampemètre portatif capable de réaliser des tests rapidement et en tout endroit. Malheureusement, son employeur ne voit pas d’un bon œil les innovations proposées par Georges Friedrich et le contraint à la démission.
En 1936 il décide donc de créer son propre atelier de fabrication d’appareils de mesure électronique « Cartex » (Constructions d’Appareils Radio-Téléphoniques) à Annecy. Générateurs de fréquences, contrôleurs universels et lampemètres sont au catalogue. La grande qualité de fabrication et l’innovation mise au service des appareils Cartex permettent à la marque de connaître une grande notoriété.
Les premiers lampemètres Cartex
Les deux premiers appareils destinés au test des lampes à être produits en série dès 1938 chez Cartex sont le lampemètre 385 et l’analyseur de laboratoire U38. On peut également rencontrer de temps en temps des modèles clairement à la frontière du prototype comme ce modèle croisé sur Doctsf qui semble antérieur aux premiers modèles de série.
Lampemètre de Service modèle 385
Le 385 est un appareil portatif qui fonctionne sur secteur alternatif (110 à 230 V). C’est un testeur d’émission qui permet de vérifier les tubes en mode diode. L’ensemble du circuit est alimenté via un transformateur à secondaires multiples qui fournit les tensions de chauffage du filament de 1,4 V à 40 V ainsi que la haute tension alternative appliquée à l’anode. La lecture se fait sur un galvanomètre à deux échelles : une « mauvaise – douteuse – bonne » et une seconde graduée de 0 à 50 mA. L’appareil permet également le test d’isolement filament/cathode, courts circuits internes, ainsi que le test anecdotique des résistances et des condensateurs. Au niveau des supports de tubes disponibles on retrouve la plupart de ceux qui sont alors la norme à la fin des années 30 en Europe.
L’Analyseur de Laboratoire U-38
Le U-38 est une toute autre machine destinée à équiper le banc de test du réparateur dans son atelier. Avec ses 13 kg et ses dimensions il est beaucoup moins transportable qu’un 385. Fonctionnant sur secteur alternatif (110 à 230 V) et équipé d’un survolteur-dévolteur permettant de régler la tension d’alimentation de l’ensemble, il est bien plus complet que le 385.
L’alimentation est assurée par une paire de double diodes 5Y3G qui apparaissent en façade. L’un des deux tubes permet de fournir une tension principale continue filtrée par deux condensateurs et une self. Des réseaux de résistances commutables en façade permettent de régler les différentes tensions. Le second tube fournit lui une tension continue négative filtrée par deux condensateurs destiné à la polarisation du tube en test.
Le pupitre principal comporte six contacteurs rotatifs qui assurent la combinaison des électrodes des tubes à tester, cinq commutateurs permettent de sélectionner les tensions de filament (1,2 à 40 V), d’anode (100 à 250 V), de grille (-0 à -55 V) et de grille écran (40 à 250 V). Enfin un dernier contacteur permet de choisir la fonction à tester.
Un galvanomètre principal permet la mesure du courant anodique et d’autres variables (Ohms…), un second galvanomètre permet le contrôle de la tension filament et l’ajustage du secteur.
Enfin, le tableau est complété par les supports de lampes et des prises permettant d’utiliser les tensions générées par l’appareils en externe, faisant du U-38 un banc de test complet.
L’Analyseur de Laboratoire U-60
Cet appareil succède au U-38 et offre un appareil encore plus complet équipé de 5 galvanomètres qui permettent de garder un œil sur toutes les tensions appliquées aux différentes électrodes. On reconnaît là l’esquisse de ce que sera l’un des best-seller de Metrix : le U61. On peut retrouver son schéma juste ici.
Les lampemètres chez Metrix
Au moment ou Cartex devient Metrix, on ne s’embarrasse pas trop, les appareils changent de marque mais les modèles suivent. On retrouve donc le pentemètre Metrix 305 qui existait déjà sous la même référence chez Cartex, le 361 qui fait écho au 385. Le Cartex U-38 inspire le Metrix 310 et le U-60 le U61 qui deviendra finalement le LX 109 A. Le 395 ainsi que le tardif Cartex T25 disparaissent tandis que le 305, le 361 et le plus rare 362 font leur apparition.
Difficile de détailler chaque modèle ici, nous nous attarderons donc sur trois d’entre eux pour leur impact historique : le Pentemètre 305, le Lampemètre 310 et l’Analyseur de Lampes U61.
Le Pentemètre Metrix Modèle 305
Pourquoi commencer par cette appareil plutôt rare chez Metrix ? Car il est à cheval entre deux époques : l’époque Cartex et l’époque Metrix. Il marque premièrement par son ergonomie et son design industriel typique des années 50 qui caractérisent les produits Cartex de la fin des années 40 et qui caractériseront la ligne Metrix pour des décennies.
On retrouve un galvanomètre large et rectangulaire qui remplace les modèles ronds des débuts de Cartex. Ceux-ci semble sourcés, pour les premiers, auprès du fabricant américain Simpson Electric. Par la suite Metrix fera fabriquer ou fabriquera (info à confirmer) ses propres galvanomètres.
Le châssis est constitué d’une façade en aluminum de 3 mm d’épaisseur peinte dans une couleur grise qui deviendra kaki en fin de production. Les commutateurs sont en matière type bakélite de couleur noire. Deux poignées de transport chromées et deux rouleaux de combinaisons équipent également l’appareil.
Le 305 permet la mesure du courant anodique, de la pente statique, de la pente dynamique, de la résistance interne (par calcul), du coefficient d’amplification (par calcul), ainsi que des contrôles d’isolement de cathode et de vide. Un relais de sécurité permet d’assurer un minimum de sécurité à l’appareil.
Cet appareil est innovant pour l’époque puisque proposer la mesure de toutes ces caractéristiques dans un format si « compact », n’est pas si courant à l’époque.
L’alimentation est assurée par une double diode AZ1. Le circuit comporte des condensateurs et des résistances pour la plupart bobinées sur plaque de bakélite. Le schéma de l’appareil est disponible ici. Une histoire passionnante de la restauration d’un 305 par JF Garenne est à lire ici.
Le Lampemètre Metrix 310
Celui-ci a un petit quelque chose du U-38 de chez Cartex : un galvanomètre central, des sélections d’électrodes assurées par des commutateurs rotatifs qui reçoivent ici les fameux boutons « tête de poulet » noirs (« chicken head » chez nos amis anglais) qui ne quitterons plus Metrix avant des décennies. Les premiers modèles sont livrés dans une couleur vert kaki, à partir du 310 B l’appareil adopte le gris-bleu Metrix des années 60.
L’alimentation est ici entièrement dépourvue de tube ou de semi-conducteur. Toutes les mesures sont effectuées sous tension alternative. La manuel nous renseigne : « les lampes sont alimentées par des tensions alternatives tant sur l’anode que sur la grille et les écrans. Avantage immédiat : les sources de tensions sont simples et de faible résistance interne ».
L’astuce réside dans un calcul démontré par Metrix qui met en relation valeur efficace (en alternatif) et valeur nominale (en continu). Résultat, d’après le fabricant : des résultats précis à 2 % près de la valeur nominale.
Affranchi d’organes supplémentaires le 310 est entièrement bâti autour de son transformateur d’alimentation principal qui délivre toutes les tensions alternatives requises et permet d’obtenir un appareil fiable et facilement transportable.
Le succès est au rendez-vous et le 310 devient la bête de somme des administrations, de l’Armée de Terre et de Mer qui commande l’engin par palettes entières.
Verront le jour des versions TR (tropicalisé), CTR (rackable), CTRM (une version marine qui fonctionne sous 50 ou 400 Hz, fréquence utilisée à bord des bâtiments de la Marine Nationale) ou encore la dernière version D qui permet d’utiliser les fameux camemberts si indissociables du U61.
L’Analyseur de Lampes Metrix U61
C’est certainement l’appareil permettant de tester les tubes électronique le plus complet pour son époque. Directement issu du Cartex U-60 dont il reprend la forme, le U61 diffère de son ancêtre par son architecture interne. Au lieu d’offrir des alimentations continues simples réglables via des ponts diviseurs, le U61 s’offre le luxe de quatre alimentations stabilisées réglables, une source de tension continue négative fixe et une source de tension alternative ajustable. À bord de ce véritable monument (30 kg sur la balance), pas moins de dix lampes et deux transformateurs d’alimentations en assurent le fonctionnement.
Le U61 est équipé d’un survolteur-dévolteur placé en amont du transformateur d’alimentation T2 qui permet de régler finement la tension alternative destinée au filament du tube en test. La plage de tension s’étale de 1,1 à 117 V avec un courant maximal de 3 A de 1,1 à 6,3V et de 0,15 A à 117 V.
La tension destinée à la grille de commande est négative et variable de 0 à 50 V. Les grilles 2 et 3 peuvent être alimentées de 10 à 300 V sous 15 mA maximum. Enfin, la tension anodique est réglable de 10 à 300 V sous 100 mA maximum.
Au niveau des tubes on retrouve (pour la version U61 C trois 5Y3GB qui assurent le redressement des tensions alternatives, deux 6L6, trois 6AU6, deux 0B2WA et quatre 6AQ5 qui assurent tous des fonctions de stabilisation des tensions continues d’alimentation.
Sur le haut de l’appareil on retrouve, de gauche à droite, l’emplacement destiné à recevoir les camemberts des supports de tubes, des cavaliers qui permettent « d’ouvrir » n’importe quel circuit d’électrode pour y intercaler un appareil de mesure, une tension, une résistance… Enfin, tout à gauche le système de combinaison à leviers pour les électrodes très similaire à celui du Pentemètre 305.
La façade avant est équipée de cinq galvanomètres qui renseignent en temps réel des tensions appliquées aux différentes électrodes. Celui situé au centre en haut est un milliampèremètre qui permet de mesurer le courant anodique ainsi que les courants des grilles G2 et G3 si nécessaire.
Huit commutateurs rotatifs et quatre potentiomètres permettent de régler les différentes tensions d’alimentation et d’effectuer toutes les mesures. Un panneau en bas de l’appareil permet de retrouver toutes les tensions générées par le U61 sur des fiches bananes tout comme sur le Cartex U60.
L’Analyseur de Lampes U61 peut être complété par le Pont à Lampes 661 qui permet d’étendre ses possibilités. La tension anodique passe à 500 V sous 200 mA maximum, les tensions de grille à 500 V sous 50 mA max. Le 661 permet surtout la mesure des paramètres dynamiques des tubes électroniques : résistance, pente et coefficient d’amplification.
Plus tard, le U61 deviendra le LX 109 A avant de définitivement quitter le catalogue Metrix au début des années 1980.
Pour télécharger le manuel et les schémas du U61, c’est ici.
Vous voulez en savoir plus sur le fonctionnement des lampemètres ? C’est juste ici.